Dans les années 70, suite à l’augmentation du prix du carburant, Land Rover a dû se tourner vers une motorisation Turbo Diesel pour son Range Rover. Son choix s’est porté sur un moteur VM d’une cylindrée de 2,4 l, installé de 1986 à 1989, puis son évolution en 2,5 l jusqu’en 1992. Les Range ainsi équipés furent parmi les premiers 4×4 TD à atteindre 160 km/h.
Premier moteur Turbo Diesel monté dans les Range Rover, à partir de 1986, le bloc quatre cylindres en ligne 2,4 l VM est un modèle turbocompressé, à injection indirecte et refroidissement liquide, acceptant un régime moteur maximum de 4 200 tr/min. Vendu comme une alternative économique au glouton V8, il offrait la possibilité de rouler luxe à moindre coût. Il a cependant été difficile de le faire rentrer sous le capot du Range, et c’est notamment le système refroidissement qui en a souffert, se trouvant sous-dimensionné. Le Range appelant, dans l’esprit de certains, à une conduite « dynamique », les culasses ont rapidement commencé à tomber comme des mouches, donnant naissance à la mauvaise réputation des moteurs italiens.
Techniquement, il n’y a pourtant pas grand-chose à leur reprocher. Le bloc moteur en fonte est surmonté de quatre culasses en aluminium, à l’intérieur desquelles se logent deux grosses soupapes, et c’est de là que vient son gros défaut. Immanquablement, des microfissures apparaissent entre la soupape d’admission et d’échappement. Au fur et à mesure du fonctionnement du moteur, elles s’élargissent et laissent passer l’eau du circuit de refroidissement dans l’huile, donnant à celle-ci un aspect fort peu ragoûtant et pourtant nommé « mayonnaise ». De même, sous l’action de la compression du piston, les gaz de combustion s’échappent par ces fissures pour aller pressuriser le circuit de refroidissement. Ainsi, à l’ouverture du vase d’expansion, pour vérifier le niveau du liquide de refroidissement, une légère dépressurisation peut se faire entendre, ce qui est plutôt surprenant la première fois qu’on l’entend alors que le moteur est froid. Quoi qu’il en soit, lorsque le moteur fonctionne, il faut être relativement prudent avec les surpressions dans le circuit de refroidissement. Il y a en effet un très fort risque d’éclatement d’une des durites souples, qui projetterait du liquide permanent partout, entraînant l’immobilisation du véhicule.

Le moteur VM est d’une conception relativement basique, sans électronique, mais pas de fabrication simple pour autant : il faut être équipé d’outils somme toute spécifiques pour certaines opérations de démontage, pour l’entretenir. La base de l’entretien le plus courant consiste en un contrôle visuel des niveaux de liquide de refroidissement, d’huile, de liquide d’embrayage. Le liquide de refroidissement, à base de glycol (très toxique), est extrêmement important vu que le système de refroidissement des moteurs VM est sous-dimensionné. Il doit être contrôlé très souvent et nettoyé tous les deux ans. L’huile doit être minérale ou semi-synthèse, de bonne qualité et de viscosité 15W40. Faire la vidange tous les 10 000 km en usage routier et tous les 5 000 km en usage tout terrain est impératif. Si le véhicule ne roule que très rarement, il faut le vidanger tous les deux ans.
Le liquide d’embrayage est, quant à lui, corrosif ; il faut être attentif au moment de le verser à ne pas en mettre partout et, si c’est le cas, bien essuyer. Le DOT 3, à changer tous les deux ans, correspond en tous points aux besoins du VM et sert également pour les freins. Enfin, un contrôle simple consiste à passer la main sur toutes les durites de façon à déceler une éventuelle fuite. De même, un simple regard permet de se rendre compte si de l’huile mais aussi du liquide de refroidissement suintent au niveau des culasses. Soyez attentif à l’oxyde d’aluminium, avec son aspect blanchâtre. Pour le supprimer, rien de tel qu’un bon chiffon. Si l’oxydation persiste, démonter la pièce, utiliser une brosse métallique fine, en faisant attention à ne pas laisser de marques, si possible polir puis bien sûr remonter.

Changer une ou plusieurs culasses est une intervention mécaniquement plus complexe, qui requiert un minimum de connaissance, du bon sens et de la méthode pour être accessible à tous. Faire attention au liquide de refroidissement : il ne faut en aucun cas le jeter dans la nature, mais le récupérer puis l’emmener dans la déchetterie la plus proche comme pour votre huile. Il faut bien référencer les pièces pour éviter qu’elles ne se mélangent pas, et les nettoyer (l’essence C marche bien mais est extrêmement volatile). Il faut ensuite changer la pièce incriminée, remonter, régler les soupapes, finir le remontage, refaire le niveau de liquide de refroidissement, amorcer les injecteurs puis démarrer le moteur. En fonction du kilométrage du véhicule, il est peut être plus prudent de faire un contrôle des sièges de soupapes et si nécessaire faire un rodage. Sur les Range VM, une opération est assez complexe : le démontage du démarreur. Par manque de place autour, les vis et écrous sont difficiles d’accès. Il ne faut pas oublier que ces opérations d’entretien sont réalisables par des mécaniciens professionnels et plus sûrement des spécialistes de la marque.
La conception du VM en fait un moteur très rustique et coupleux, qui dès que l’on en a besoin, montre sa présence tant en boîte longue que courte. Il est vraiment très important de respecter une conduite sage les premiers kilomètres lorsque le moteur est froid. Il est même conseillé de ne pas franchir 2 200 tr/min, de façon à ne pas provoquer de montées en régime intempestives, rapidement néfastes. Son utilisation doit être souple et douce, sans le pousser dans ses derniers retranchements. Rouler au quotidien avec un Range VM signifie rouler calmement les 7 à 8 premières minutes, temps approximatif de la chauffe du moteur. Ne pas hésiter à laisser l’aiguille de l’indicateur de température monter dans la zone d’utilisation optimum. Par la suite, en roulant sous la barre des 2 200 tr/min, la traction se fait tout au couple.

Au-delà, la puissance commence à venir et l’aiguille du compte-tours s’envole rapidement vers les 3 000 tr/min et plus encore. Il faut dire que les fortes montées en régime, à moteur chaud, engendrent un nuage de fumée énorme. Le turbo demande, lui aussi, une façon de conduire précautionneuse. Il partage en effet le circuit de lubrification du moteur : l’huile qui lui parvient est donc extrêmement importante, puisque c’est lui qui fournit l’air qui fait respirer le moteur. Ainsi, au démarrage, laissez tourner le moteur sans accélérer le temps d’attacher votre ceinture de sécurité. Au moment de couper le contact, laissez là aussi tourner le moteur tranquillement le temps que la vitesse du turbo diminue car, si l’on coupe le contact immédiatement, le turbo continue à tourner, sa réserve d’huile s’épuise vite et, au redémarrage, il se peut que l’axe et le siège du turbo ne soient plus lubrifiés : il y a un risque de casse et cette pièce coûte cher.
Une fois la température de fonctionnement atteinte, tout est faisable, accélérer fort comme rouler au couple. Mais attention, les accélérations trop forte usent et encrassent le moteur. A 50 km/h, il est possible sur le plat de reprendre en cinquième une accélération douce pour arriver à 90 km/h. Toutefois, repasser en quatrième permettra une meilleure reprise. Dans la réalité, rouler à 50 km/h impose de se retrouver sur le troisième rapport, ce qui est le plus pertinent, permettant ainsi de laisser respirer le moteur. Le VM est très bruyant, notamment à cause de sa distribution par cascade de pignons et de son injection indirecte. A froid, les portes paliers en aluminium ne sont pas calés dans les tunnels et ont également tendance à se faire entendre. Avec la montée en température, la dilatation fera son œuvre car ce jeu n’est que de quelques centièmes et ils sont ensuite maintenus.

Lorsque le moteur est chaud, son utilisation est aussi simple que tout autre, cependant il faudra faire attention à la consommation de carburant. Cette consommation est en rapport avec l’accélération, le régime où sont passées les vitesses, ainsi que la vitesse de croisière. N’oublions pas que le Range Rover est un véhicule apparenté à une armoire normande donc avec un coefficient de pénétration dans l’air de boîte à chaussures. Il est fréquent de consommer de 9,5 l à 11 l/100 km. Pour éviter d’en arriver à de tels chiffres, voici quelques astuces. En tout premier lieu, vérifier la pression des pneus : une sous-pression peut entraîner une surconsommation de carburant importante, sans oublier le risque d’éclatement, de déformation ou le manque d’adhérence. Il ne faut pas non plus hésiter à prendre son temps et accélérer progressivement, d’autant plus si le terrain est en faux plat montant. Si la pédale d’accélérateur est écrasée, tout le carburant injecté ne sera pas brûlé et cette mauvaise combustion entraînera une surchauffe du moteur.
Pour la vitesse de croisière, sachant que les limitations de vitesses mais aussi les contrôles radar nous obligent à rouler sans dépasser la vitesse maximum autorisée du véhicule, il est concevable de rouler sur route entre 2 000 et 2 500 tr/min. En revanche, sur autoroute, il est déconseillé de rouler trop longtemps au dessus de 3 000 tr/min. Anticipation pourrait être le maître mot pour définir la façon dont le moteur VM devrait s’utiliser. Le regard de son conducteur (le plus loin possible) est primordial pour savoir s’il doit accélérer, mais aussi pour utiliser le couple moteur pour ralentir avant d’arriver sur un obstacle. C’est ainsi, en utilisant son véhicule avec souplesse qu’une moindre usure des plaquettes de frein, mais aussi une économie de carburant sera réalisée. Cette méthode s’applique également en tractant une remorque.
VM Motori fut le premier motoriste Diesel à collaborer avec Land Rover sur le Range Rover. De gros efforts ont été faits des deux côtés durant les six années de collaboration pour apporter des modifications aux points les plus sensibles de ces moteurs. Ces efforts profitent aujourd’hui à d’autres marques, comme Jeep, qui utilise un moteur VM 2,8 l pour sa Wrangler. Ce sont des mécaniques qu’il faut connaître et appréhender avec délicatesse et respect. Encore plus aujourd’hui puisque le dernier monté a 19 ans ! Les moteurs 2,4 l et 2,5 l sont de bons moteurs dans leur ensemble et leur conception, et rares sont ceux qui n’en sont pas satisfaits. Il faut en revanche avoir à l’esprit que rouler en Range Rover avec un moteur VM, c’est prendre son temps. (Article paru dans Land Mag n°96)
Entretien des moteurs VM
Tous les 500 km
Vérifier le niveau d’huile
Vérifier le niveau du liquide de refroidissement
Tous les 1 500 km
Vérifier l’absence de fuites de liquide
Vérifier la tension des courroies d’entraînement d’accessoires
Tous les 10 000 km
Changer l’huile moteur et le filtre à huile
Vidanger le décanteur
Remplacer le filtre à carburant
Vérifier l’absence de fuites de liquide
Vérifier la tension des courroies d’entraînement d’accessoires
Tous les 20 000 km
Nettoyer le filtre de la pompe aspirante
Nettoyer le décanteur de carburant
Nettoyer le reniflard du réservoir de carburant
Remplacer le filtre à air
Vérifier le ralenti moteur à froid
Tous les 40 000 km
Vérifier le jeu des poussoirs
Vérifier l’état et fonctionnement des bougies de préchauffage
Dépose des injecteurs, vérifier le jet, faire changer si nécessaire
Tous les 96 000 km
Vérifier le jeu axial et radial de l’arbre de turbine du turbocompresseur
Vérifier le fonctionnement de la vanne de trop plein
Ces valeurs valent pour un usage routier. Avec une utilisation tout terrain, il faut diviser la fréquence de ces contrôles et changements par 2 au minimum, en fonction de conditions d’utilisation sur différents terrains (poussière, boue, eau, franchissement…).
L’huile moteur sera de préférence une huile minérale, de marque, d’un grade 15W/40 pour une utilisation allant de -15°C à 35°C. Changer de grade s’il est prévu un voyage en Afrique dans le désert en été (prendre contact avec votre revendeur Land Rover habituel).
En usage tout terrain lors des passages de gués ou de grosses flaques de boue il est important de mettre un bouchon sur le trou de mise à l’air du carter d’embrayage (évite la surpression d’air due à la rotation du disque et du mécanisme).
Fiche technique moteur VM 2,4 et 2,5 l TD
Moteur |
2,4 l |
2,5 l |
Type |
11 A VM type HR 492 HI |
95 A VM type HR 4924 HI |
Nombre de cylindres |
4 cylindres en ligne |
4 cylindres en ligne |
Energie |
Diesel |
Diesel |
Disposition |
Longitudinale avant |
Longitudinale avant |
Ordre d’allumage |
1-3-4-2 |
1-3-4-2 |
Alésage / Course |
92,0 x 90,0 mm |
92,0 x 94,0 mm |
Cylindrée |
2 393 cm3 |
2 498 cm3 |
Puissance |
104 chevaux à 4 200 tr/min |
119 chevaux à 4 200 tr/min |
Couple |
238 Nm à 2 400 tr/min |
284 Nm à 1 950 tr/min |
Compression |
21,5 : 1 (+ 0,5) |
21,5 : 1 (+ 0,5) |
Soupapes |
2 par cylindre, culbutées |
2 par cylindre, culbutées |
Alimentation |
Pompe rotative Bosch type VE L 168-1 + Injecteur Bosch KBE 58 S 4/4 |
Pompe rotative Bosch type VE L 168-1 + Injecteur Bosch KBE 58 S 4/4 |
Pression d’ouverture |
150 -0/+8 Bars |
150 -0/+8 Bars |
Suralimentation |
Turbocompresseur KKK + intercooler |
Turbocompresseur KKK + intercooler |
Distribution |
Cascade de pignons + Arbre à cames latéral |
Cascade de pignons + Arbre à cames latéral |
Puissance fiscale |
10 CV |
10 CV |
Performances moyennes |
||
Poids/Puissance |
18,0 (kg/ch) |
16,4 (kg/ch) |
Vitesse maxi |
145 km/h |
165 km/h |
0 à 100 km/h |
18,2 s |
18,2 s |
400 mètres DA |
20 ,4 s |
19,7 s |
1 000 mètres DA |
37,5 s |
37 s |